Pastis: l’esprit anisé de Marseille – Backstreets culinaires

Dans la trilogie marseillaise emblématique des années 1930 de Marcel Pagnol, les dockers sirotent pastis au Bar de la Marine, un bar du Vieux-Port qui existe encore aujourd’hui. Plus tard dans le siècle, le pastis est un personnage aussi important que sa star, le détective Fabio Montale, dans les années 90 de Jean-Claude Izzo Marseille noir romans policiers.

Le quaff par excellence de la ville est plus populaire que jamais à Marseille d’aujourd’hui. A midi et apéro heure, les habitants tintent des verres remplis d’élixir vert opaque sur les terrasses ensoleillées. Un groupe de fans vêtus de survêtements partage une bouteille de Ricard sur les marches du Vélodrome avant un match de l’OM. «C’est une boisson à partager», explique Guillaume Strebler de la Distellerie de la Plaine.

Aimer rakje à Istanbul et ouzo à Athènes, le pastis fait partie de la famille des boissons à base d’anis sirotées dans toute la Méditerranée. Une boisson imprégnée du penchant marseillais pour les saveurs d’anis – à partir d’anis canistrelli biscuits au fenouil qui mijote en bouillabaisse. Enraciné dans l’héritage botanique de la Provence, le pastis descend du médicament anis vendu chez les apothicaires au Moyen Âge et de l’absinthe sirotée dans les cabarets du XIXe siècle.

Bien que liés, le pastis et l’absinthe présentent des différences distinctes. Le premier est moins alcoolisé et est principalement composé d’anis étoilé (Badiane) au lieu de l’anis (anis vert). Contrairement au cube de sucre et à la cuillère en argent pour la consommation d’absinthe, le pastis contient souvent du sucre ajouté dans sa fabrication, ce qui en fait techniquement une liqueur, pas un alcool. Enfin, le pastis manque d’absinthe, ingrédient à tort blâmé pour les propriétés hallucinatoires de l’absinthe. Fait intéressant, c’est une interdiction indirecte de la fée verte qui a amené la petit jaune (petit jaune) en être.

Lorsque le parasite du phylloxéra a détruit les vignes au milieu du XIXe siècle, les Français se sont tournés vers l’absinthe pour leur dose d’alcool. Une interdiction de 1914 sur l’alcool contenant plus de 16 pour cent d’alcool a forcé les bars à retirer l’absinthe de leurs étagères. Fidèles à l’esprit rebelle de Marseille, les distillateurs d’absinthe et les bars locaux ont continué à fabriquer des boissons à base d’anis en cachette. Une barre utiliserait de la coriandre, l’autre du fenouil. «Chacun faisait son propre mélange», explique Frédéric Bernard, propriétaire de la Maison du Pastis.

Un jeune vendeur entreprenant, Paul Ricard, a vu une opportunité dans la soif d’anis des Marseillais. Il sautait de bar en bar avec sa propre recette, vendant tellement de son hooch fait maison qu’il ne se souciait pas des nombreuses amendes qu’il encourait. Au début des années 1930, il a fait pression sur le gouvernement parisien pour que sa boisson soit légale. Reconnaissant la richesse qu’ils tireraient de la taxe sur les alcools, les fonctionnaires ont approuvé la demande de Ricard. Il lui fallait un nom pour sa boisson et le Pastis de Marseille est né en 1932.

Issu de patisson, patois provençal pour «mélange», le pastis est à base d’anis étoilé, de réglisse (reglisse), et un mélange de plantes aromatiques qui poussent à travers la Provence – y compris le fenouil, le romarin, le thym et la verveine. Pour fabriquer du pastis, la réglisse en poudre imprègne comme le thé tandis que les aromatiques macèrent dans l’alcool dans d’énormes dame-jeanne pichets en verre, chacun séparément pendant un temps spécifique pour amadouer leurs saveurs distinctes. Les macérations résultantes sont ensuite mélangées avec de l’anis étoilé. Chaque producteur a sa propre recette souvent secrète, ce qui se traduit par des profils de saveur uniques pour chaque marque.

La façon la plus populaire de boire du pastis est simplement trempée dans l’eau, le parfait désaltérant pour les températures douces du Sud.

Comme beaucoup de liqueurs fortes, le pastis a un ABV de 40 à 45% (preuve de 80 à 90). C’est pourquoi chaque commande de pastis est livrée avec un pichet d’eau réfrigérée. La façon classique de siroter est un rapport eau / alcool de cinq pour un, remplissant pratiquement presque un verre de pastis maigre lorsque vous le regardez. Le résultat: une grande glacière rafraîchissante idéale pour les après-midi prolongés au soleil.

Lorsque l’eau et le pastis se mélangent, préparez-vous à l’émerveillement scientifique. Le pastis clair et doré se transforme en un vert pâle nuageux. Cela est dû à l’effet louche, dans lequel les molécules d’anéthole remontent à la surface, créant un réseau de minuscules gouttelettes d’huile réfléchissant la lumière – le soleil dans un verre.

Si vous préférez une boisson plus forte, commandez un maman, un petit gobelet. Pour les averses à l’anis, essayez un cocktail traditionnel: le tomate teinté grenadine, le perroquet mentholé ou le mauresque, à base d’amande parfumée orgeat sirop. Mais le moyen le plus populaire est simplement de tremper dans l’eau, le parfait désaltérant pour les températures douces du Sud. «C’est un verre quand on a soif», explique Alain Robert, responsable de la marque artisanale Henri Bardouin, nous racontant comment des paysans provençaux desséchés arrosaient leurs pastis avec l’eau des fontaines du village après des journées chaudes dans les champs.

pastis marseille

Les vrais buveurs de pastis demandent leur marque par son nom. Commander un «pastis» s’apparente à une «bière» grognant à un barman. Le contingent corse de Marseille opte pour leur Casanis, originaire de l’île. Le pastis 51, le deuxième pastis le plus consommé, est préféré par ceux qui aiment moins la réglisse. Le regretté musicien français Serge Gainsbourg a notoirement commandé un «102», le double de la dose habituelle. La marque a été créée par Pernod, célèbre pour être la première distillerie d’absinthe de France, pour rivaliser avec Ricard, bien que les deux sociétés aient fusionné en 1975.

Ricard, cependant, est toujours le grand poobah du pastis. Ils dominent le marché mondial, en vendant 40 millions de bouteilles en 2018. Grâce à l’arsenal marketing de Paul Ricard de publicités accrocheuses et de swag jaune soleil, ces «créateurs de convivialité» sont reconnus pour avoir cimenté le pastis dans la culture française des années 30 et 40 – et le garder l’un des apéritifs les plus consommés en France.

Les grands mastodontes du pastis dominent les rayons des supermarchés et les menus des bars en raison de leur portée d’entreprise et de leur prix moins élevé. Pourtant, des distilleries artisanales à plus petite échelle existent depuis le début du pastis. Ils célèbrent les arômes délicats qui ont été noyés dans les versions industrielles. Voici quelques-uns de nos producteurs préférés à Marseille et en Provence. Tout ce dont vous avez besoin est une place au soleil, des olives et des amis pour partager la bouteille.

Distillerie de la Plaine

Le nouveau producteur de pastis de Marseille a commencé par accident. En attendant que son whisky vieillisse, Guillaume Strebler a confectionné un lot de pastis pour faire connaître sa nouvelle distillerie. Maintenant son produit phare, Pastis 1 est une gorgée traditionnelle avec le zip rafraîchissant de graines de fenouil; le maté fumé et la verveine citronnée cultivée localement donnent au Pastis 2 des notes boisées et herbacées modernes. Ce dernier peut être siroté avec juste un glaçon – un moyen idéal de goûter à la complexité du pastis artisanal. Tous deux arborent des étiquettes graphiques colorées inspirées du port de Marseille. Cette distillerie individuelle ne produit que 3 500 bouteilles par an. Achetez-en un dans leur petite distillerie parfumée à l’anis, sur les marchés locaux ou les restaurants.

pastis au cristal limiñana de Marseille

Cristal Limiñana

Célèbre pour son anisette, cette distillerie de 135 ans a commencé à faire du pastis lorsqu’elle a déménagé d’Alger à Marseille dans les années 1960. Choisissez parmi le classique Un Marseillais, le Pastis Massilia aux notes vanillées et le Pastis Phocea, dont le fenouil et la coriandre ont le goût d’une balade dans le garrigue, ou garrigue. Maristela, la propriétaire de Cristal Limiñana, l’arrière-petite-fille du fondateur, innove toujours. Elle vient de lancer un sorbet au pastis – un dessert et un digestif tout-en-un.

Notre Boîte Backstreet Marseille comprend une paire de lunettes Cristal Limiñana décorées de leur logo vintage – elles sont une valeur sûre pour mettre du soleil dans votre bar à la maison.

La Maison du Pastis

À juste titre, la première en France cave des anisés (magasin d’alcool à base d’anis) a vu le jour dans le berceau du pastis. En 2002, le propriétaire Frédéric Bernard a ouvert cette boutique du Vieux-Port pour mettre en valeur les producteurs qui «vivent à l’ombre du pastis industriel». La boutique a une clientèle fidèle de connaisseurs locaux, de jeunes amateurs de tout ce qui est artisanal et de visiteurs à la recherche d’un souvenir.

Du Boyer primé au Lapouge, un pastis fabriqué à partir de la recette originale de Ricard, la boutique vend environ 50 marques différentes de pastis ainsi que leur propre offre maison coulée à partir de cruches en acier inoxydable. Choisissez parmi cinq cuvées dont la Basic (coriandre et cardamome), la Régalade (pour les amateurs de réglisse) et la Prestige, avec 56 ingrédients. Ne vous laissez pas intimider par le large choix: Frédéric et son équipe se feront un plaisir de vous guider avec leur savoir-faire encyclopédique du pastis.

Château des Creissauds

Élaboré par l’historien des cocktails et distillateur local Guillaume Ferroni, ce pastis artisanal est parfumé avec 19 plantes cueillies sur son domaine. Pensez au romarin qui pousse dans la garrigue sauvage à la sarriette et à la sauge cultivée dans le jardin du château. Chaque bouteille prend 18 mois à faire puisque le Château des Creissauds est l’un des rares pastis vieillis en fûts de chêne – et le seul à tamponner ses bouteilles avec le millésime pour célébrer la singularité de chaque année.

Situé à 16 km de Marseille à Aubagne, le château du XIXe siècle accueille des visites de la distillerie et un fantastique bar d’été, Dans les Abres, niché dans la cime des arbres. A Marseille, on goûte au bar clandestin de Ferroni, Carry Nation, ou à l’Épicerie l’Idéal.

Henri Bardouin

Alain Robert a voulu «se détourner du cliché discret du pastis pour le ramener à sa riche tradition culinaire». Ses Distilleries et Domaines de Provence, vieilles de 150 ans, sont basées dans une ville de Haute-Provence réputée pour ses plantes médicinales, un cadre propice à une liqueur herbacée. Henri Bardouin éclate avec un bouquet de 65 plantes et épices, du thym et fenouil cueilli dans les collines voisines aux fèves de Tonka et à la cardamome de plus loin. Rigoureusement testé et assemblé par des experts, cet assemblage incroyablement savoureux et terroir mérite son titre de «grand cru».

Si vous ne pouvez pas vous rendre à Marseille, c’est le seul pastis artisanal à être vendu aux États-Unis, en Asie et en Afrique.

Note de l’éditeur: Notre série Liquid Assets offre un regard occasionnel sur les boissons clés – alcoolisées et non – qui aident à définir les cultures culinaires couvertes par CB.

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